Chronique
8 novembre

 

Trop occupé à scruter attentivement les moindres soubresauts de ce qu'il n'est plus raisonnable d'appeler un appendice sexuel, j'avais décidé, en ces temps de chienlit, de me détourner de toute action jugée par ma libido inutile. Une bouteille de rhum bon marché posée sur le bureau, je m'enivrais devant l'écran de mon ordinateur, écumant tous les sites où je pensais pouvoir trouver à télécharger gratuitement quelques scènes salaces susceptibles de provoquer chez moi le moindre début d'érection.Ca fait environ quatre jours que je ne suis pas sorti. De toute façon, il me faudra bien franchir cette porte, ne serais-ce que pour refaire provision de quelques bouteilles. Les volets métalliques sont clos, je ne sais plus vraiment si c'est le jour ou la nuit. J'entends par moment les voisins, ces connards, qui vont et viennent, qui s'engueulent. Puis y'a ce chien, aussi petit qu'un rat, qui gueule toute la journée. L'autre jour, je devais être complètement bourré, j'ai du commander sur un site un agrandisseur de sexe : En tout cas, un matin (je crois que c'était un matin) un facteur est venu sonner chez moi avec un colis à livrer qui contenait ce récipient ridicule au bout duquel était disposé une espèce de pompe. Je ne l'ai pas encore essayé. De toute façon mon sexe est hors d'usage. A trop me masturber, j'ai du définitivement l'abîmer. Ecorché, endolori, il fait peine à voir. Je m'en fous, de toute façon il n'est pas prêt de rencontrer une bouche ou une chatte. Bon, il me reste un peu de dentifrice, je vais me laver la bouche et essayer de me traîner jusqu'au distributeur de billet, en espérant que j'aurais reçu mon RMI. Faut aussi que j'achète un paquet de clopes…

J'ai bu quelques verres de bière dans un PMU-tabac quand Elodie, une grande blonde avinée, est venue me parler pour que je lui paie un coup. A moitié édentée, on devinait sous son t-shirt sale ses seins, flasques et tombants. Je me suis dit que c'était l'occasion où jamais de voir si j'étais encore capable de baiser autre chose que des nymphettes pixelisées. Je lui ai proposé de venir boire un verre de rhum chez moi : Elle n'a pas pu résister. On a bu, j'ai essayé de la baiser, sans succès. Non pas qu'elle ait été réticente, au contraire, mais avec une capote, je n'arrivais pas à bander. J'ai du la cogner, le lendemain, pour qu'elle se casse de chez moi, je ne pouvais plus la supporter : On peut difficilement rester à deux plus de quelques heures dans un studio de 15 mètres carrés…

Parfois je croise d'anciens collègues. La plupart font semblant de ne pas me reconnaître : Je ne leur en veux pas, je crois que je ferais pareil à leur place. De toute façon, qu'est ce qu'ils pourraient me dire ? Salut ! Ca va ? Non, soyons un peu sérieux… Je me rends bien compte que j'ai pas l'allure d'un mec qui va bien. Alors, qu'est-ce que tu deviens ? Autant de question dont, à juste titre, ils n'ont pas envie d'entendre la réponse. Les seuls qui ont assez de tempérament pour affronter mon regard me font discrètement un petit sourire, parfois un signe de la main.

Avant que mon frère ne me trouve cette chambre de bonne, j'habitais un joli F3, rue des Pyrénées, à une minute du métro Gambetta. Je vivais encore avec Karine, cette salope. Un beau jour, il y a quatre ans, elle m'a avoué qu'elle me trompait depuis plusieurs mois avec un mec qu'elle avait rencontré dans une soirée organisée par sa boite. Il était séropositif. Elle avait été contaminée. Presque sans tressaillir, elle m'a dit que je ferais mieux d'aller faire un test… Remarquez, de son côté, ça va bien. Enfin, aussi bien que ça pourrait aller : Elle suit une tri thérapie, elle s'est remise en ménage avec un type. Je l'imagine : Amoureux, patient, compréhensif. Mais je suis sûr qu'elle ne lui a pas dit le fin mot de l'histoire. Je la comprends. Finalement, elle doit quand même un peu culpabiliser puisque qu'elle ne veut plus me revoir. Salope. De mon côté, j'avoue, j'ai complètement perdu pieds.

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Auteur:

P M

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