Trop occupé à scruter attentivement les moindres
soubresauts de ce qu'il n'est plus raisonnable d'appeler un appendice
sexuel, j'avais décidé, en ces temps de chienlit,
de me détourner de toute action jugée par ma libido
inutile. Une bouteille de rhum bon marché posée
sur le bureau, je m'enivrais devant l'écran de mon ordinateur,
écumant tous les sites où je pensais pouvoir trouver
à télécharger gratuitement quelques scènes
salaces susceptibles de provoquer chez moi le moindre début
d'érection.Ca fait environ quatre jours que je ne suis
pas sorti. De toute façon, il me faudra bien franchir cette
porte, ne serais-ce que pour refaire provision de quelques bouteilles.
Les volets métalliques sont clos, je ne sais plus vraiment
si c'est le jour ou la nuit. J'entends par moment les voisins,
ces connards, qui vont et viennent, qui s'engueulent. Puis y'a
ce chien, aussi petit qu'un rat, qui gueule toute la journée.
L'autre jour, je devais être complètement bourré,
j'ai du commander sur un site un agrandisseur de sexe : En tout
cas, un matin (je crois que c'était un matin) un facteur
est venu sonner chez moi avec un colis à livrer qui contenait
ce récipient ridicule au bout duquel était disposé
une espèce de pompe. Je ne l'ai pas encore essayé.
De toute façon mon sexe est hors d'usage. A trop me masturber,
j'ai du définitivement l'abîmer. Ecorché,
endolori, il fait peine à voir. Je m'en fous, de toute
façon il n'est pas prêt de rencontrer une bouche
ou une chatte. Bon, il me reste un peu de dentifrice, je vais
me laver la bouche et essayer de me traîner jusqu'au distributeur
de billet, en espérant que j'aurais reçu mon RMI.
Faut aussi que j'achète un paquet de clopes
J'ai bu quelques verres de bière dans un PMU-tabac quand
Elodie, une grande blonde avinée, est venue me parler pour
que je lui paie un coup. A moitié édentée,
on devinait sous son t-shirt sale ses seins, flasques et tombants.
Je me suis dit que c'était l'occasion où jamais
de voir si j'étais encore capable de baiser autre chose
que des nymphettes pixelisées. Je lui ai proposé
de venir boire un verre de rhum chez moi : Elle n'a pas pu résister.
On a bu, j'ai essayé de la baiser, sans succès.
Non pas qu'elle ait été réticente, au contraire,
mais avec une capote, je n'arrivais pas à bander. J'ai
du la cogner, le lendemain, pour qu'elle se casse de chez moi,
je ne pouvais plus la supporter : On peut difficilement rester
à deux plus de quelques heures dans un studio de 15 mètres
carrés
Parfois je croise d'anciens collègues. La plupart font
semblant de ne pas me reconnaître : Je ne leur en veux pas,
je crois que je ferais pareil à leur place. De toute façon,
qu'est ce qu'ils pourraient me dire ? Salut ! Ca va ? Non, soyons
un peu sérieux
Je me rends bien compte que j'ai pas
l'allure d'un mec qui va bien. Alors, qu'est-ce que tu deviens
? Autant de question dont, à juste titre, ils n'ont pas
envie d'entendre la réponse. Les seuls qui ont assez de
tempérament pour affronter mon regard me font discrètement
un petit sourire, parfois un signe de la main.
Avant que mon frère ne me trouve cette chambre de bonne,
j'habitais un joli F3, rue des Pyrénées, à
une minute du métro Gambetta. Je vivais encore avec Karine,
cette salope. Un beau jour, il y a quatre ans, elle m'a avoué
qu'elle me trompait depuis plusieurs mois avec un mec qu'elle
avait rencontré dans une soirée organisée
par sa boite. Il était séropositif. Elle avait été
contaminée. Presque sans tressaillir, elle m'a dit que
je ferais mieux d'aller faire un test
Remarquez, de son
côté, ça va bien. Enfin, aussi bien que ça
pourrait aller : Elle suit une tri thérapie, elle s'est
remise en ménage avec un type. Je l'imagine : Amoureux,
patient, compréhensif. Mais je suis sûr qu'elle ne
lui a pas dit le fin mot de l'histoire. Je la comprends. Finalement,
elle doit quand même un peu culpabiliser puisque qu'elle
ne veut plus me revoir. Salope. De mon côté, j'avoue,
j'ai complètement perdu pieds.
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